Le texte qui va suivre, je l’avais écris initialement à main levée, sans me soucier de l’enchainement des idées ni de la profondeur de chacune d’elles. Un indispensable besoin m’appelait à réaliser immédiatement et sans délai l’action de retranscrire sur une feuille blanche ce que je ressentais véritablement. Et c’est ce que j’ai fait.
Maintenant, je me rends compte que j’avais touché à une problématique qui dépasse la question existentielle qui était mienne à savoir « la présence » pour aller aborder cette fois une thématique philosophique plus vaste encore faisant appel à des notions fondamentale que j’hésite, par ma méconnaissance de la chose, nommer métaphysique et qui correspondent à l’être.
Je ne l'ai pas réecris, mais j'ai essayé de donner plus d'explication.
Introduction:
La présence se définie comme un être-là simple, naturel, une réalité indiscutable qui n’a nul besoin d’appendice ou d’ornement pour lui donner d’avantage de contenance ou d’épaisseur. Elle est au-delà du faire ou de toute expérience ponctuelle ou même de toute expérience tout court.
La présence évolue dans un monde ouvert, qui n’a pas besoin de bâtir des certitudes, mais plutôt de les déconstruire.
La présence est libérée de tout retour sur soi : c’est un surgissement et non une démarche réflexive entre deux moments. C’est la résurgence soudaine d’une source qui auparavant était enfouie entre les roches.
Elle est l’histoire de deux entités d’un même être, d’abord perdues dans une forêt dense et emmêlée, séparées par des chemins qui ne menaient nulle part et qui finissent ensuite par se retrouver et se rejoindre irrévocablement.
Une fois ces deux entités réunies, le conflit intérieur au sein de l’être n’a plus lieu d’exister. La conséquence directe en est l’absence de la projection de ce conflit sur autrui, ce qui permet l’établissement d’une relation saine et responsable. On peut en déduire que la présence à soi, non seulement n’est pas perturbé par la présence de l’autre, mais encore qu’elle assainit la relation, la purifie et l’apaise.
Texte:
La présence, est-ce vouloir dire se rendre présent ?
La présence, est-ce une évolution vers quelque chose de nouveau, une démarche animée par une action sous-jacente, le fruit d’un cheminement ?
La présence, est-ce la fusion de ce qui se réalise en nous et par nous ?
La présence est, à mon sens, la disparition totale de toute distance entre l’être et lui-même, entre nous et nous-mêmes.
La présence est inépuisable ; elle ne s’affaiblit pas à mesure que notre travail s’accomplit, qu’il soit individuel ou collectif, ni ne se dénature ou se dégrade. Un exercice, une opération, un effort, en revanche, prend fin à mesure que la tâche s’achève et que le but est atteint.
La présence n’est pas non plus un accessoire, une épithète ou une quelconque particularité de l’être. L’être et l’acte sont une seule et même chose. Je pourrais encore imager cela en disant, par exemple, que bien que l’artisanat soit une forme particulière de l’art, sa finitude établie par l’objet artisanal, l’art demeure néanmoins. Même si l’acte commence et prend fin, la présence, elle, demeure.
La présence est un jaillissement qui prend forme ou se dévoile à travers tous les actes que nous réalisons. Ne rien faire est aussi un acte.
La présence n’est pas une expérience. La présence n’est pas un état. Elle ne réside pas dans le fait d’éprouver quelque chose dans certaines conditions et pas dans d’autres.
Si je puis donner un exemple : la présence s’est manifestée en moi par des secousses, une sensation de vertige ; des mouvements me balançaient à tribord puis à bâbord. Je venais d’apprendre que la Terre n’était pas plate, mais ronde. Heureusement, cela n’affectera pas ma navigation. Je commence alors à apprendre comment tenir la barre. L’angoisse de l’existence disparaît. Je ne suis plus rivé aux événements du monde ; je les prends comme ils viennent. En moi, ils surviennent ; en eux, je me réalise, me renouvelle, m’actualise. Ils me parlent, et je les écoute bien plus qu’avant. Toute volonté de les commander s’évanouit. La culpabilité ne me ronge plus, car il n’y a plus de distinction entre celui qui agit, celui qui fait et celui qui est.
Pourtant, ce qu’il y a de beau dans la présence, c’est sa fragilité. Ce n’est pas le cas des objets : plus ils sont fonctionnels, utiles, et moins ils peuvent se dérober à notre regard. Leur présence est immédiate, éclatante, d’une clarté si évidente qu’elle finit par blesser le regard et nous rendre indifférents. Seul un artiste peut, peut-être, les abstraire de cette fonction première d’instrument, d’utilité, de servilité, en les enveloppant de mystère, en leur soufflant une âme pour leur faire retrouver une forme de fragilité.
Lorsque nous quittons notre sphère privée et nous apprêtons à entrer dans les espaces communs de la société, nous ne pouvons plus nous soustraire au regard de la communauté des hommes. Nous devenons visibles, et partageons malgré nous le statut des objets, sans pouvoir échapper aux regards d’autrui. Nous devenons atteignables par tous les moyens techno-spatio-temporels (GSM, GPS, caméras…). Pourtant, seul le désir de me connaître pourrait me rendre véritablement présent à l’autre, car c’est à partir de là que commence le mystère de ce que je suis. Je dois préciser, toutefois, que mon propos s’élabore principalement autour de la présence à soi. Cela n’enlève en rien l’importance de la présence de l’autre à moi, ni celle de ma présence à autrui.
Cela dit, je dois insister sur le fait que compte tenu de notre contingence, la présence ne peut jamais être, à l'image des objet, pleine, évidente et absolue, elle surgit de nous jaillit et ravit comme une eau vive sort de la terre continûment.